CHRISTIAN BOUSQUET        Maître Artisan Photographe        Qualified European Photographer


Amoureux des images, Christian Bousquet est surtout passionné de noir et blanc. C'est d'ailleurs avec un petit bijoux n'autorisant que le monochrome, qu'il aime tant capturer ses images...

Christian Bousquet ne marche jamais sans ses Leica, qui lui permettent de façonner ses photographies, de les sculpter de lumière...

 

Du fin fond de l'Aveyron à Venise, en passant par les artères de Miami et de New York, ses milliers de clichés nous transmettent sa vision du monde.

 

Ce merveilleux métier lui a aussi permis de devenir éditeur et de réaliser plusieurs ouvrages.

Il a reçu les titres de Portraitiste de France, Portrait d’Or, Mercure d’Or et le QEP (Qualified European Photographer), le 1er prix aux Photographie de l’Année 2012, catégorie Portrait ; Mais celui dont il est le plus fier est celui de Maître Artisan Photographe.

 

Passionate about images, Christian Bousquet is keen on black-and-white photography. It is with a monochrome camera that he enjoys so much capturing his pictures. Christian Bousquet never walks around without his Leica cameras at hand, which allows him to shape his photographs and sculpt them with light.

 

From the remote lands of France to Venice and through the streets of Miami and New York, his thousands of pictures convey his vision of the world to us.

 

This extraordinary job and passion lead him to become an editor and undertake his own books.

 

He has received the prizes for Portraitist of France, Gold Portrait, Gold Mercure, Qualified European Photographer (QEP), first prize at the 2012 Photography of the Year (portrait category).

The one that he is the most proud of is the title of Maître Artisan Photographe (Master Craftsman Photograph).

 

 

 

 

 

Beautés furtives : photographies de Christian Bousquet

 

« Si l’art a pour but la beauté et touche parfois à ce but, même si c’est toujours de façon imparfaite, comment fonder notre jugement artistique ? Je crois qu’il faut que cet art révèle une forme importante dont nous avons fait nous-même l’expérience mais à laquelle nous n’avons pas prêté l’attention qu’elle méritait. Un art réussi sait redécouvrir pour nous la Beauté ».

Robert Adams, « La beauté en photographie », 1981 (1)

 

Dans ses Essais sur le beau en photographie, Robert Adams exprime à la fois la valeur esthétique de la photographie argentique, une analyse somme toute très traditionnelle de ce médium : il nous invite dans les pièces de William Shakespeare, dans les films d’Asujirô Ozu, dans les romans de James Joyce, dans les peintures de Paul Cézanne ou de Edward Hopper, dans les clichés d’Ansel Adams, d’Alfred Stieglitz, d’Edward Weston… La beauté est la manifestation principale du modèle présent, plus ou moins agissant, un sceau somme toute. C’est la pratique de la photographie qui est en soi une décision nourrie d’expérience. Prendre une photographie marque linguistiquement une volonté d’arracher un instant au réel, pour nous le restituer : c’est un acte volontaire dont comme le souligne Robert Adams, nous n’avons pas toujours au moment du faire, l’attention qu’il mérite.

 

La photographie malmenée

Christian Bousquet est un photographe si l’on veut très conventionnel, tant mieux : il a vécu de cette activité puisqu’il s’est établi photographe, avec pignon sur rue, en a accompli les tâches ingrates, le commerce et sa répétition lancinante, et la création dans le studio, son jardin secret. Avec une passion et une méticulosité qui ne l’ont pas quitté. Le photographe est un artisan qui a des facilités. Toutes les villes de province ont eu leur(s) Harcourt et Rodez ne fait pas exception à la règle, car elle comptait au début des années 80 près de dix photographes professionnels, établis. Christian Bousquet en fait partie. J’aimerais savoir combien de mômes devenus adultes ont tenu la pose sur un tabouret dans son studio.

La question de la photographie ne se pose plus désormais de la même manière car, souvent dite contemporaine – comme le camembert est normand–, elle prospère sur des sommets de reconnaissance et de diffusion : grandes dimensions des photographies encollées sur des plaques d’aluminium, pour offrir parfois des images d’une vaniteuse et insipide banalité. La photographie veut les honneurs de la peinture ou d’autres médiums, mais ignore d’où elle vient. Les planches contacts de Man Ray, étaient de taille minuscule : ce sont d’authentiques photographies. Par ailleurs, l’oeil numérique a banalisé la pratique de la prise de vue et ce sont des milliers de photographies qui s’accumulent dans la mémoire de nos téléphones portables qui ne seront jamais regardées ni conservées. On ne sait pas voir, pas plus faire le tri.

Je ne sais pas s’il restera une mémoire de tout cela : la photographie est saucissonnée, banalisée, déconsidérée. Elle l’est d’autant plus qu’on peut la dupliquer aisément sans gratifier le photographe, sans lui demander même son avis, ni honorer ses droits. Le daguerréotype, un unique objet-image, avait du bon… La pratique amateur, quand bien même elle partage et simplifie la prise de vue, a galvaudé l’acte photographique.

 

Christian Bousquet appartient à cette espèce en voie de disparition pour qui le visuel et l’image sont deux choses différentes. Il dit que le visuel est dur, voire commercial, alors que l’image recèle de la poésie. C’est un plaisir de parler de technique avec lui : faire monter une photographie dans un labo, c’est un moment de tranquillité, une préparation attentive, une alchimie qui redouble l’émotion du clic et donne au souvenir le confort qu’il mérite.

 

Cette exposition rassemble des photographies prises sur une trentaine d’années : ce ne sont pas des images de commande comme les portraits, mais des histoires instantanées, glanées de par le monde. Elles sont en équilibre, en noir et blanc, les argentiques comme les numériques.

Christian Bousquet ne néglige certes pas la couleur, mais il aime la rigueur formelle propre au noir, au blanc, aux nuances du gris. Alors que les appareils photographiques réflex pullulent dans les vide greniers, il utilise son arme absolue, un Leica qui fait un vrai bruit de déclencheur.

 

Profession photographe

Christian Bousquet s’est établi photographe après une formation d’apprenti, dès 16 ans. Il a appris beaucoup par lui-même à Saint-Geniez, puis à Rodez. Le photographe tient bientôt boutique, tire les photographies des clients, vend du matériel : en 1980, place du Bourg, avec son épouse Françoise (2). A l’époque, une photographie est rare, précieuse : au point qu’on photographie les morts dans leur lit, au point qu’on les serre dans des albums, qu’on les distribue lors des réunions de famille… Les photographies de tout-le-monde ont le charme des sociétés humaines qui se superposent les unes aux autres, qui témoignent et évoluent. On y trouve un talent ingénu.

Christian Bousquet se souvient de ce métier : « J’ai beaucoup aimé le studio, mais je suis beaucoup sorti voir ce qui se passait autour de moi. C’était un métier »

Le photographe tient son rôle social qui est de photographier les mariages et les anniversaires, d’aider le commerce et l’industrie par des prises de vues appropriées : « Mais je préfère photographier les gens plutôt que les boulons, j’aime les photographies prises sur le vif ». Il prépare les mariages dans le détail : où se situe la pose, avant, après la mairie, l’église. Il ne faut pas sous-estimer cet obscur travail de commémoration qui selon les époques a ses normes et ses habitudes. Combien de caisses de plaques au gélatinobromure et de planches de négatifs détruites ? Ces ensembles exprimaient la vie d’un quartier, d’une ville, de sociétés sportives ou littéraires. A Rodez on peut se féliciter que le fonds du photographe Noyrigat ait été sauvé pour être protégé par les archives départementales de l’Aveyron. Le fonds de photographies de Christian Bousquet, est aussi d’importance, une tranche napolitaine dans la vie locale.

Christian Bousquet aime le portrait parce qu’il fréquente les êtres humains, s’attache à leur bigarrure. On peut en parler longtemps. Il a vu passer dans son studio bon nombre de Ruthénois, d’Aveyronnais, petits et grands, obscurs ou prétendument importants… Il sait saisir le meilleur de son modèle. Je me souviens de la devanture de son magasin de la place du Bourg où il y avait, comme de vivantes réclames, toutes sortes de visages. Ses portraits de commande échappaient souvent aux conventions du genre. « Je vois les gens quand ils viennent, ils parlent beaucoup… Les gens se confient ». Le studio du photographe à l’écart, avec ses lampes et ses fonds, avec l’appareil sur son pied qui attend sa pitance identitaire, prend des airs de confessionnal.

 

Parmi les photographes majeurs du siècle passé, citons Erwin Blumenfeld, excessif et génial, qui fit du portrait, disons le alimentaire, à Paris et à New York pour poursuivre son art qu’il consacra ensuite aux mannequins de Vogue ou aux montages surréalistes. A propos d’une comtesse abîmée par la vie, condescendante, revenant dans son studio vingt ans après : « Elle se planta devant un miroir, tint un portrait à côté de son visage : « Comme j’étais bête, comme j’étais vide, jadis ! Me voici enfin devenue intéressante ! » Elle déchira, pleine de mépris, ses portraits un à un » (3). Pour demander une nouvelle séance de pose pour son fils.

Christian Bousquet a des souvenirs précis de modèles hors normes. C’est ainsi qu’il a photographié régulièrement Pierre Soulages depuis plus d’une vingtaine d’années. Ses photographies l’ont saisi tel qu’en lui-même, sincère et expressif, lui qui n’aime pas trop qu’on le photographie. Christian Bousquet a privilégié le visage et le buste, mais aussi les mains qui ont conçu, avec une relative indépendance, tant de tableaux de musée. Alain Peyrefitte le reçut dans son bureau au Figaro : « J’ai eu l’impression de rentrer dans un dictionnaire ». Le juge Bruguière lui donna rendez vous dans un local anonyme à Paris : il y avait des gardes du corps et des tireurs d’élite partout… « Le clochard avec sa bouteille de vin sous son bras, mérite autant que le président de la république, autant qu’un ministre. C’est la même personne et j’ai plaisir à le mettre en avant parce que personne ne le voit ».

 

Ce jour-là

Ce jour-là est le titre d’un livre de Willy Ronis qui place en vis-à-vis un texte de souvenir précis mais recomposé et la photographie qu’il a saisie à un moment donné, ce qui reste : « Ce jour-là, j’étais dans un terrain vague au bas de l’escalier de la rue Vilin et j’ai vu ça. Un homme avec une valise à ses pieds. Il tient la rampe, il a l’air d’être perdu dans un monologue intérieur que je crois entendre. J’invente aussitôt son histoire, plutôt abracadabrante… » (4).

Les photographies de Christian Bousquet sont des histoires dont il ne connaît qu’un épisode, celui de l’image capturée. Nous avons vu une centaine d’images qui sont des moments issus du réel quotidien, parfois énigmatiques. Car, bien entendu, il y a du fantasme dans une image photographique qui nous laisse, quel qu’en soit le cadrage, dans l’incertitude du récit. Un temps suspendu. L’art, et donc la photographie, aime les classifications, les catégories. Ses photographies ne sont pas du photoreportage, car elles prélèvent un peu partout et gardent çà et là le souvenir de voyages ou d’expériences. Christian Bousquet aime beaucoup Sebastião Salgado ou Henri Cartier-Bresson : le premier pour le mouvement et la lumière, le second pour son humanisme et son instant décisif. Il admire aussi beaucoup Jeanloup Sieff qu’on ferait bien de regarder à nouveau : élégance, cadrage, tendresse, passages de gris...

 

Nous les avons toutes effeuillées sur la table d’un bar. Dans ces photographies conçues à Miami, Rome, Paris, New York, Rodez, dans le Grand Ouest américain, il y a de la paix, de l’intime, une forme d’abandon. Beaucoup de négatifs et de fichiers restent en jachère : de nouvelles images verront le jour. J’en retiens quelques-unes qui touchent au coeur. Des fictions de rues, des situations inattendues.

A Paris sans doute, une femme sur un vélo dépasse les autos dans la rue. Elle surgit à sénestre dans un filé de mouvement. Elle est appliquée, détendue sous ses verres fumés. Elle s’enfonce dans la circulation.

A Paris encore du côté de Pigalle, dans un établissement de striptease une femme aux lèvres botoxées regarde de côté le photographe. Son regard, un oeil souligné de faux cils est ajusté sur l’objectif. Elle porte sur sa poitrine un tatouage à pleins et à déliés, un prénom et deux pattes de chat. On imagine son assurance, ses mains posées sur ses hanches. Au fond une femme floue, nue et allusive.

A Rodez, un client en chandail se tient devant son café, dans un bar. Il a l’air pensif, plongé dans le marc. Profil marmoréen, il fait corps avec le zinc. Au premier plan d’autres soucoupes, d’autres tasses et des mains d’hommes qui parlent entre eux. On imagine dans ce clair obscur un peu étouffant les maigres lueurs du matin.

Un homme pressé, de petite taille, passe de gauche à droite devant une façade. Il pousse un diable chargé d’un cageot de fruits et légumes. On le voit tout à sa mission, tendu par l’effort. Il file sa route, indifférent à notre regard, avec un sentiment d’urgence.

Dans le quartier cubain de Miami, des joueurs de dominos s’agitent sur une table photographiée en contre-plongée. Un seul visage et des bras velus : la composition semble ordonnée comme une séance spirite. Esprit du jeu es tu là ?

Au Florian, à Venise, une femme mange une glace avec componction, attablée à un guéridon. Son visage et sa coiffure fleurie, très fin de siècle font corps avec sa robe abondamment répartie sur la banquette. Solitaire, hors du temps, elle savoure sa glace sous le regard évaporé d’un gentilhomme de la Sérénissime.

A la Cavalerie, des légionnaires se tiennent en groupe. Celui de gauche, de profil, regarde le crâne chauve d’un autre militaire, tatoué d’une tête de mort complétée de la devise de la Légion Etrangère. C’est un Janus. Deux visages, brièveté de la coupe de cheveux, calots et treillis.

La rue Seguy à Rodez est noire de nuit et renoue avec les atmosphères d’un Brassaï. Devant des vitrines défraîchies une ombre incertaine passe apportant son mystère.

Des religieuses à Rome s’avancent d’un pas décidé vers le photographe qui ne garde d’elles que leur soutane en mouvement et le négligé d’un cabas pendu à la main. Pas de visages : on les suppose partir à un rendez-vous important. Sans doute Saint-Pierre est proche… Dans ces vêtements en marche, il y comme de la joie.

 

Benoît Decron, Directeur des Musées du Grand Rodez

 

Notes :

(1) Robert Adams, Essais sur le Beau en Photographie . Défense des valeurs traditionnelles , éditions Fanlac, Périgueux, 1996. « la beauté en photographie  », p. 46. Première édition, 1981. (2) Tirés d’un entretien de l’auteur avec Christian Bousquet, le 25 novembre 2017. (3) Erwin Blumenfeld, Jadis et Daguerre , Robert Laffont (coll. Pavillons), Paris, 1973, p. 412. (4) Willy Ronis, Ce jour-là,  Mercure de France, Paris, 2006. Belleville, 1957, p. 32-33.